Faire un numéro du Bulletin sur l’Expo ’67 était une trop belle occasion pour la laisser passer. Les ennuis informatiques réglés, je reprends donc avec enthousiasme mes articles historiques en relation avec les cartes postales, ces petits morceaux de carton chargés d’histoire!

Dans le Devoir du 29 avril 1967, Claude Ryan écrivait : « On a pu constater, dès le premier jour, que la Terre des Hommes sera un merveilleux lieu de rencontre. Rencontres d’êtres déjà connus qu’on n’a point vu depuis longtemps et qu’on croise soudain en territoire belge, birman ou africain. Rencontres aussi avec des êtres et des peuples qu’on ne connaissait qu’à peine, dont le nom n’était guère plus qu’un vague souvenir d’un manuel de géographie ou d’une émission de télévision…..L’Expo n’a vécu que quelques heures et déjà, son esprit nous envahit. Nous irons la revoir souvent. Il ne faut pas que cette chance d’un contact avec l’homme de partout passe en vain sur notre ville. »

À cette époque, j’étais au milieu de mon adolescence. Comme cadeau de Noël j’avais reçu un passeport saisonnier pour l’Expo. Le mien était blanc. Le passeport saisonnier des adultes et des enfants était rouge et le passeport pour une semaine bleu. Muni de mon passeport et de mon guide, j’ai suivi le conseil de Claude Ryan, découvrant le monde entier qui se déplaçait pour habiter ces îles au milieu du Saint-Laurent pendant six mois. J’ai inséré ci-dessous les pages couverture de ces deux documents.

Découvrant en même temps le beau métro tout neuf qui avait été construit pour l’événement et pour moderniser les transports à Montréal, j’ai été souvent à l’Expo durant le congé scolaire. Je ne ratais pas l’occasion de faire estampiller mon passeport dans les pavillons visités, le nombre d’estampilles différentes devenant une sorte d’objet de compétition entre les garçons de mon âge. Quel émerveillement que d’être en contact avec des gens différents, mangeant différemment, ayant des cultures autres. Et puis certains pavillons nous projetaient dans le futur, un futur qui est le monde d’aujourd’hui. Plus de cinquante millions d’entrées furent comptabilisées pour toute la durée de l’événement. Ce succès dépassera largement les attentes des hommes politiques d’alors, l’Exposition de Bruxelles en 1958 ayant compté 40 millions de visites. La compagnie Messageries de presse Benjamin avait obtenu le contrat exclusif pour la production des cartes postales se rapportant à l’Expo. Cette entreprise a été fondée en 1917 par Charles Benjamin, un vendeur de journaux aveugle qui travaillait dans les rues de Montréal. La compagnie de Bois-des-Fillion a été en affaires jusqu’en avril 2014. Mais pour « tout voir » ce qu’on voulait et ne pas se perdre dans les vastes espaces des îles, les Éditions Maclean-Hunter avaient publiés un plan des îles très pratique. On en voit la couverture ici-bas.

Outre les cartes postales émises par Benjamin, Postes Canada avait publié deux cartes postales officielles oblitérées « Premier jour ». La carte ci-reproduite reprend le dessin du timbre commémoratif émis le 28 avril 1967.

Le bureau de poste émetteur de Grimsby, ou le premier propriétaire, a apposé ce timbre sur le devant de ma carte postale avec l’oblitération du 28 avril 1967. Le sujet principal est le pavillon du Canada avec sa pyramide inversée nommée « Katimavik », ou lieu de rencontre en langue Inuit. En haut à gauche, on retrouve le symbole d’Expo ’67, conçu par le designer montréalais Julien Hébert.

Un des coups de maître de ceux qui avaient la responsabilité de faire la publicité de l’exposition auprès des Américains avait été de réserver une page entière du magazine Life. On y voyait le pavillon russe en pleine construction et on disait : « venez voir ce que les Russes construisent tout près de votre frontière ». Beaucoup d’autres approches avaient été déployées aussi pour convaincre les Américains de venir à Montréal.

De l’étranger, ce sont majoritairement eux qui sont venus à Expo ‘67. Sur le terrain de l’Exposition, les pavillons russe et américain se faisaient face, reliés par une passerelle surplombant un des canaux du site. Passée l’entrée, les visiteurs se retrouvaient devant le Pavillon des États-Unis. Le contenu du pavillon pouvait être visité sous une énorme bulle constituée de 1900 hexagones faits de barres d’acier soudées et recouverts par de l’acrylique. L’architecte américain Buckminster Fuller en était le concepteur. Le minirail circulait au travers de l’énorme bulle. Et au sommet du « plus haut escalier roulant au monde » on avait reproduit un paysage lunaire et disposé les véhicules qui devaient amener l’homme sur la lune. Quelle merveille! Le futur devant nos yeux! Ce pavillon fut un des plus visités de l’Expo. C’est aujourd’hui un musée voué à la connaissance de la science de l’environnement, la Biosphère.

Son voisin d’en face, le Pavillon de l’URSS était aussi un pavillon imposant par ses dimensions. Il aurait été le plus visité de l’Expo. Beaucoup de présentations sur la culture russe, un important secteur sur l’utilisation pacifique de l’atome et surtout un captivant secteur offrant un panorama lunaire et des copies des véhicules qui devaient permettre aux Russes de gagner la course vers l’astre lumineux de nos nuits. Un cinéma de 600 places présentant des documentaires sur les peuples des 15 républiques de l’URSS ainsi qu’un restaurant où on pouvait manger du caviar complétaient l’ensemble. Mes souvenirs me disent que c’était un des pavillons où les files d’attente étaient les plus longues…. une vieille coutume russe de l’époque quoi! Cette année-là, la Russie célébrait les cinquante années de la révolution bolchévique et n’était pas peu fière de le souligner dans son pavillon. Après l’Expo, le gigantesque pavillon fut démonté, l’URSS ne voulant pas le démolir, ramené par bateau à Moscou où on l’a reconstruit. Il serait presque à l’abandon actuellement.

Un autre pavillon fit les belles heures d’Expo ’67 : c’était le pavillon de la France (ci-bas), aujourd’hui l’édifice du Casino de Montréal. Son concepteur en était l’architecte Jean Faugeron. Le contenu du pavillon se déployait autour du thème Tradition et Invention dans le génie français. À chaque niveau, et au dernier, des terrasses extérieures pouvaient nous permettre de voir la vie grouillante de la Terre des Hommes ou la ville de Montréal qui grandissait et se modernisait aux pieds de son Mont-Royal.

Dès sa conception, le Pavillon français a été pensé en fonction du fait qu’il devait être permanent. L’Expo terminée, le pavillon a été conservé sur son site. Il connut d’autres heures de gloire quand il est devenu le Palais de la Civilisation en 1985. On y a présenté pendant quelques années de fabuleuses expositions de niveau international, qu’on pense à celles sur l’Égypte ancienne en 1985 ou « Les trésors et splendeurs de la Chine » en 1986. Sur cette image du pavillon français, on remarquera à la droite le pavillon du Québec, aussi partie du Casino de Montréal actuellement. Il avait été conçu par le bureau d’architectes Papineau, Gérin-Lajoie, Leblanc et Durand. C’était un édifice de verre et d’acier qui, le jour, reflétait son environnement, alors qu’il devenait transparent la nuit et nous laissait voir ce qu’il avait à offrir à ses visiteurs. On y montrait les éléments les plus caractéristiques du milieu naturel québécois, associés au cycle des saisons. On y présentait aussi la conquête du Nouveau-Québec : spectacle de l’eau et de la forêt boréale, des mines et des industries qui entouraient le développement de cette partie plus septentrionale du Québec. On y représentait certes le Québec en évolution et ses métamorphoses, mais aussi une vision du Québec du prochain millénaire.

Parmi d’autres, j’ai choisi cette carte postale parce que le minirail qui circule à l’avant-plan du pavillon du Québec me donne l’occasion d’ouvrir une parenthèse sur les moyens de transport utilisés à Expo ’67.

Les moyens de transport d’Expo ‘67

Les journalistes s’étonnaient souvent du fait que la venue d’autant de visiteurs (une seule journée sous les 100,000 visites) affecte peu la circulation dans Montréal et ses environs. Inauguré en 1966, le métro de Montréal avait une station sur l’Ile Sainte-Hélène et une autre à Longueuil, de telle sorte que les gens puissent accéder rapidement et sans leur auto au site de l’Exposition. C’est la ligne jaune d’aujourd’hui. Mais il y avait aussi l’Expo-Express qui pouvait amener rapidement les visiteurs, travailleurs et résidents de la Cité du Havre, jusqu’aux îles Notre-Dame et Sainte-Hélène. La carte postale ci-bas nous présente une station d’arrêt de l’Expo-Express devant Habitat ’67, un complexe résidentiel novateur et autre symbole fort de l’Exposition universelle.

Le minirail était un moyen de transport plus souple pour circuler sur le site de l’Exposition entre les pavillons, et au travers des pavillons des États-Unis et de l’Ontario. Son concepteur aurait bien aimé qu’il circule à l’intérieur de plus de pavillons, mais le temps pressait pour que tout soit prêt le 28 avril 1967. L’Hovercraft, ou aéroglisseur, circulait sur coussin d’air et pouvait aussi transporter des visiteurs du site de l’Expo jusqu’aux îles de Boucherville. C’est le même genre de véhicule amphibie qui a été utilisé plus tard pour traverser la Manche entre la France et l’Angleterre, avant que ne soit construit le tunnel sous la Manche. Un téléphérique, plus ludique comme moyen de transport, amenait les gens d’un point à l’autre à la Ronde (ici-bas).

Dans le coin inférieur gauche de l’image, on observe la reproduction d’un des bateaux de Jacques Cartier, ce découvreur officiel de la Nouvelle-France. Après l’Expo, il fut transporté et exhibé au parc Cartier-Brébeuf de la ville de Québec.

La carte postale suivante nous laisse voir deux autres agréables moyens de se transporter sur les canaux de l’île Notre-Dame : le vaporetto (bateau-mouche) à quai au centre de la photo et quelques gondoles vénitiennes en bas à droite. À tout cela s’ajoutait la Ballade, sorte de petit train ouvert qui circulait dans les allées des îles de l’Expo, ou ce drôle de gros tricycle conduit la plupart du temps par un étudiant et qui constituait un moyen plus individualisé pour se déplacer. L’été, on voyait encore récemment ce genre de véhicule dans le Vieux-Port de Montréal. Enfin, pour les plus fortunés, un hélicoptère pouvait aussi les transportés sur le site de la Terre des Hommes. Par métro, sur terre, sur l’eau ou dans les airs, rien ne pouvait empêcher les visiteurs de venir à l’Expo ’67 ou d’y circuler avec facilité, quand leurs pauvres pieds fatigués ne pouvaient plus accomplir leur travail!

Quelques autres Pavillons aux formes nouvelles ou exotiques

Outre de nous faire voir des gens d’ailleurs à l’apparence et aux coutumes différentes des nôtres, outre de goûter leur nourriture parfois si différente, d’écouter une musique qui à l’époque nous était étrangère, Expo ’67 nous a aussi présenté des architectures novatrices ou exotiques. Ainsi, ce pavillon asiatique, celui de la Thaïlande. Il nous donnait à voir une reproduction d’un temple bouddhiste du 18e siècle, avec une réplique d’une barque royale dans un bassin devant l’entrée. Le passé de ce pays était représenté par des statues ou des répliques de barques de cérémonie ou d’autres artefacts antiques. On y présentait aussi de l’artisanat : bijoux, soieries, bronzes, etc. ainsi qu’un aperçu des richesses naturelles de la Thaïlande.

L’Iran avait aussi conçu un pavillon formidable. Il s’inspirait de l’architecture perse traditionnelle (la Perse, ancien nom de l’Iran), avec ses grandes colonnades recouvertes de céramique bleue et blanche. Je me souviens d’avoir été très ému par l’élégance extérieure de ce pavillon.

Des projections en couleur nous faisaient connaître le pays et ses beautés. Somptueux tapis, vases en or, précieux coffrets, faïences peintes, etc., meublaient le rez-de-chaussée sur fond de bruit de fontaines, alors qu’au premier étage l’industrie pétrolière occupait une place importante. Bien sûr un restaurant-bar nous initiait aux spécialités gastronomiques du pays. Comme vous le remarquerez, cette carte postale n’a pas été publiée par les Messageries Benjamin, comme les autres cartes postales. Je ne sais pas comment cette compagnie d’aviation a obtenu ce privilège.

Un autre pavillon hors de l’ordinaire pour nous était celui de l’Allemagne (de l’Ouest). Le thème « l’Allemagne aujourd’hui et sa représentation » était développé sous une sorte de grande tente blanche conçue par les architectes Frei Otto et Rolf Gutbrod, de Stuttgart. La structure proposée et réalisée était nouvelle. Comme le rapporte Roger La Roche (cf. sources documentaires), c’était une structure composée d’une charpente en maille d’acier supportant une membrane de géotextile translucide (polyester revêtu de PVC pour réduire les coûts), d’une superficie de plus de 110,000 pieds carrés. L’ensemble était arrimé à huit poteaux d’acier. Vu de l’intérieur, le pavillon paraissait sans division et les pièces exposées pouvaient être vues sous lumière naturelle.

Emmène-nous à la Ronde…

Après une journée bien remplie à visiter les Iles et s’émerveiller par tant de découvertes dans les nombreux pavillons, rien de tel qu’une soirée à la Ronde, le parc d’attraction de l’Expo ’67. Ou une journée complète comme l’ont fait tant d’enfants en guise de sortie de classe à la fin de l’année scolaire. Comme le souligne le Guide officiel, la Ronde n’était pas un parc d’attractions ordinaire. Grands et petits pouvaient y trouver leur compte dans plusieurs secteurs différents de par leur fonction. Ainsi, la salle de spectacle du Jardin des étoiles présentait des spectacles. Les manèges attiraient les plus jeunes. Toute la famille pouvait assister au spectacle des dauphins à l’Aquarium.

Il y avait aussi le Pavillon de la jeunesse où les jeunes adultes pouvaient se retrouver. La ville d’Edmonton avait aménagé une reproduction d’un village du Far-West, Pioneer Land-Fort Edmonton. Aussi, les régates et les spectacles de ski nautique (tel celui des frères Cloutier de Sainte-Agathe-des-Monts) étaient bien appréciés du public qui se massait sur les rives du Lac des dauphins de la Ronde. La carte postale choisie nous présente l’entrée de la Ronde, avec le Gyrotron en arrière-plan, le plus fameux manège de la Ronde. Malgré qu’il fût souvent en panne, il a été le manège le plus visité de l’Expo. Il était conçu pour nous faire voyager dans l’espace et nous plonger subitement dans les entrailles d’un volcan.

J’espère que cet article vous a fait vivre un aussi passionnant voyage dans les Iles de l’Expo que j’en ai vécu un en faisant la recherche et en revoyant ces images d’un temps si loin mais qui me paraît si proche, de par les formidables émotions vécues à cette époque de mes seize ans où l’ouverture au monde devenait si importante pour la suite de ma vie.

Cartophilement vôtre!

Jean-Pierre Bourbeau, pour Histoire et Archives Laurentides

Sources documentaires principales :

  • 1. Expo 67, Guide officiel, Les Éditions Maclean-Hunter, Montréal, 1967.
  • 2. La Roche, Roger, site internet : www.villes-ephemeres.org (à ne pas manquer!)
  • 3. Jasmin, Yves, La petite histoire d’Expo 67-l’Exposition universelle et internationale de Montréal comme vous ne l’avez jamais vue, Les Éditions Québec/Amérique, Montréal, 1997.
  • 4. Dupuy, Pierre, Expo 67 ou la découverte de la fierté, Les Éditions La Presse Alain Stanké, Montréal, 1972.
  • 5. Baerlecken, Wilhelm, l’Allemagne aujourd’hui-Expo ’67 Montréal, pour le Commissaire Général Allemand pour l’Exposition Universelle de Montréal 1967, Dusseldorf.
  • 6. Montreal Expo 67, par la Banque Nationale de Paris, imprimeur : La Photolith L. Delaporte, France, 1967.