En 1824, quelques pionniers étaient établis au lieu-dit La Chapelle, à quelques kilomètres au sud de la ville actuelle de Saint-Jérôme. Un curé venait irrégulièrement de Sainte-Anne-des-Plaines pour célébrer la messe dans une chapelle de bois. Le nombre de colons augmentant, Saint-Jérôme devient officiellement une paroisse en 1834, date d’ouverture des registres paroissiaux. Les habitants occupent des lots tout au long de la rivière du nord. Peu à peu d’autres colons s’établissent plus au nord, le long de la rivière. Au site actuel de Saint-Jérôme, le courant de la rivière était plus fort et permettait davantage la construction de moulins à moudre le blé et à carder. Ultérieurement, l’avantage du lieu permettra aussi l’établissement de moulins à scie et à papier. Devant l’augmentation du nombre d’habitants, en 1835 le seigneur Eustache-Nicolas-Lambert Dumont concède à la fabrique de la paroisse de Saint-Jérôme un terrain de huit arpents pour y bâtir entre 1837 et 1839 une église digne de ce nom. Ce terrain était situé géographiquement là où se trouvent aujourd’hui le parc Labelle et la cathédrale. La petite église de pierre et son presbytère furent érigés en bordure de la rue Labelle, occupant la partie sud-ouest du parc actuel. Le cimetière était derrière, la rue Saint-Georges et la cathédrale n’existant pas encore. On peut voir sur la carte postale de la page suivante la petite église affectueusement nommée « l’église du curé Labelle », puisqu’il y officia de 1868 jusqu’à sa mort en 1891.
L’état de l’instruction des enfants de la nouvelle paroisse entre 1834 et 1850 est imprécis. Dans une lettre de 1838, le curé Blyth mentionne l’existence d’une seule école de garçons. En 1842 le curé Lavoie signale la présence de quelques petites écoles. En 1846, on mentionne formellement la présence de six écoles dans Saint-Jérôme. De façon générale, la plupart des auteurs situent en 1850 la construction d’une école en pierres. Sa situation reste incertaine. Des enseignants laïques y apprennent aux enfants les rudiments de la lecture et de l’écriture, ainsi que de l’arithmétique. En 1855, on érige une école pour les garçons sur l’actuelle rue Parent, là où se situe aujourd’hui le marché. Mais ce qu’ont rêvé tous les curés de l’époque c’était d’établir un couvent tenu par une communauté de religieuses.
Photographe : inconnu, Librairie Prévost éditeur, Saint-Jérôme, c. 1910.
En 1864, le Curé Groulx réussit à attirer des religieuses de la communauté des Sœurs de Sainte-Anne pour y instruire les filles, autant externes que pensionnaires. Fondée par Esther Blondin en 1850, cette communauté enseignante assurera les destinées du couvent ainsi que celle de l’école normale ultérieurement pendant plus de cent ans. Sur la photo ci-haut on voit à gauche de l’église un petit bout de l’école. Il n’existe pas de carte postale de ce premier couvent, mais la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord possède une fort belle photographie du bâtiment situé dans ce qui est aujourd’hui le parc Labelle
À la mi-septembre de1864, cinq religieuses, avec sœur Marie-Agnès comme supérieure, accueillent leurs premières élèves dans un bâtiment plus grand que le précédent. Soixante-deux pensionnaires et quatre-vingts externes bénéficient déjà de l’enseignement des sœurs. Le 22 septembre on bénit la cloche du couvent. Un peu inconfortable au début, le bâtiment ne tarde pas à être amélioré, les Sœurs étant aidées en cela par la généreuse contribution financière des familles en vue de Saint-Jérôme. Rappelons, pour la petite histoire, que la Fabrique de la paroisse avait cédé aux religieuses la propriété du bâtiment et du terrain sur lequel il était construit. L’éducation donnée par les religieuses était respectée dans toute la région, de sorte qu’en 1883 il y avait cent vingt pensionnaires et deux cent vingt-cinq externes. Victimes de leur succès ainsi que de l’accroissement rapide de la population de Saint-Jérôme, la communauté décide alors d’octroyer à monsieur Joseph Matte un contrat pour la construction d’une annexe et d’une chapelle. Le 21 février 1884, on bénit le bâtiment rénové et agrandi, ainsi que la nouvelle cloche. La bénédiction des cloches était une occasion de faire une collecte d’argent pour les œuvres de la paroisse ou du couvent. Des parrains et marraines étaient choisis parmi les citoyens en vue de la paroisse pour ce baptême au cours duquel on donnait un nom aux cloches.
À la fin du XIXe siècle, devant l’accroissement constant de la population et l’étroitesse de son église, la fabrique décide de construire un nouveau temple derrière celui qui existait. En 1888, on avait procédé à la translation des dernières sépultures sur le site du nouveau cimetière et la rue Saint-Georges est percée au travers des terrains cédés par la Fabrique et les Sœurs de Sainte-Anne. La nouvelle église (l’actuelle cathédrale) est alors érigée en bordure de la rue. Le couvent aussi accusait une grande vétusté.
Photographe : inconnu, éditeur : Novelty Manufacturing and Art, Montréal, c. 1929.
Le 2 mai 1902, la Fabrique souscrit une somme de 10 000$ pour aider les religieuses à se reloger dans un tout nouveau couvent sur un grand terrain, rue Virginie (Du Palais). Remarquez l’étendue de forêt vierge derrière le Couvent. Il occupait alors l’emplacement du Cegep d’aujourd’hui. En 1903 le Conseil de ville vote une exemption de taxes pour le Couvent et vers septembre 1905, trois cents élèves débutent leurs cours dans un magnifique édifice tout neuf. La carte postale suivante nous fait voir une des classes dans laquelle les étudiantes suivaient leurs cours avec toute l’attention requise.
Photographe-éd. : Louis-Adolphe Morissette, Montréal, c. 1904.
Quelques mots sur le photographe Morissette, aussi imprimeur et aquarelliste. À cette époque, 1904, Morissette occupait le premier étage d’un édifice sis au 22 rue Notre-Dame Est à Montréal (aujourd’hui le 26). Les combles abritaient l’Arche, un regroupement de jeunes artistes québécois fondé par Albert Vézina en 1904. Poètes, musiciens, comédiens, journalistes et romanciers s’y rencontraient à l’occasion de débats et de discussions qu’on soupçonne joyeux et animés. Entre Morissette et l’Arche, Albert Ferland, un célèbre illustrateur et poète, ainsi que Edmond-Joseph Massicotte, résidaient aux étages supérieurs. Pour des raisons qui nous sont inconnues, Morissette a fait une série de cartes postales illustrant l’extérieur du Couvent et plusieurs vues de l’intérieur : salle de classe, salle de musique, parloir, réfectoire, etc. À notre connaissance, le jeune photographe n’a pas fait d’autres cartes postales dans les Laurentides. Les archives des Sœurs de Sainte-Anne, à Lachine, nous apprendraient peut-être pourquoi il avait été choisi pour exécuter cette série de photographies. La carte postale suivante nous montre le réfectoire des élèves : pas question d’apporter son lunch à cette époque. Les religieuses préparaient pour tout ce petit monde une nourriture propre à soutenir les efforts intellectuels de leurs étudiantes.
Photographe-éd. : Louis-Adolphe Morissette, Montréal, c. 1904.
En 1910, le gouvernement québécois décide de mettre sur pied des écoles normales afin de former les futurs maîtres d’école. Pour donner suite aux nombreuses représentations des citoyens et du clergé du Nord, le gouvernement permet en 1914 que les Sœurs de Sainte-Anne fondent la première école normale des Laurentides. La guerre vient cependant interrompre le processus de mise sur pied. Ce ne sera qu’en septembre 1923 que les religieuses peuvent enfin ouvrir dans leur couvent l’école normale tant attendue. Le professeur Antony Lessard s’occupe de l’enseignement pédagogique dès les débuts de l’institution.
Les normaliennes ont une vie distincte à l’intérieur de l’édifice de la rue Virginie. Mais rapidement se font sentir des besoins en espace pour loger les pensionnaires et les élèves du Couvent ainsi que ces futures institutrices. En 1929, les Sœurs décident alors de construire sur la rue Fournier d’aujourd’hui un nouveau pensionnat contigu au pensionnat de 1903. On peut encore voir cet édifice appartenant au Cegep de Saint-Jérôme (voir la carte postale suivante).
Photographe-éd. : Ludger Charpentier, Montréal, c. 1930.
Dans les années 1920, les Sœurs occupaient la direction des quatre écoles de Saint-Jérôme : l’école Labelle, l’école Saint-Joseph, l’école Saint-Jean-Baptiste et l’école Saint-Louis. Selon l’abbé Élie Auclair, au milieu des années 1930, les religieuses s’occupaient de l’instruction de plus de 1300 élèves. À la fin des années 1960, la réforme scolaire entraînée par la Révolution tranquille les a amenées à retourner à Montréal. On peut vraiment dire qu’elles ont rempli avec ferveur et constance le rôle d’instruire que leur confiait Esther Blondin en fondant la communauté des Sœurs de Sainte-Anne!
Cartophilement vôtre!
Jean-Pierre Bourbeau, Histoire et Archives Laurentides.
Références :
- Auclair, abbé Élie-J., Saint-Jérôme de Terrebonne, Imprimerie J.-H.-A. Labelle, Saint-Jérôme, 1934.
- Cornez, Germaine, Une ville grandit, l’Echo du Nord, éditeur, Saint-Jérôme, 1977.
- Mgr Labelle, Paul, Une ville s’épanouit, l’Echo du Nord, éditeur, Saint-Jérôme. 1985.