Sitôt après son arrivée à Saint-Jérôme en 1868, le curé Labelle conçut le projet d’établir un « asile » à Saint-Jérôme. À l’époque, le mot asile faisait référence à ces établissements où on accueillait les vieillards et les orphelins, mais aussi les personnes handicapées et celles atteintes de maladies mentales. Au XXe siècle, le mot asile a surtout désigné les institutions où on accueillait et soignait les malades psychiatriques.

Vers 1887-88, le bon curé Labelle et son vicaire, l’abbé Pelletier, ont commencé à solliciter les Soeurs Grises de Montréal, qui possédaient déjà de telles institutions, afin qu’elles s’installent à Saint-Jérôme pour héberger ces personnes indigentes et aussi pour soigner des malades à leur domicile ou dans leur propre édifice. Dans toutes leurs institutions, les Soeurs Grises avaient également quelques classes pour l’éducation d’enfants de trois à huit ans, de milieux pauvres et ouvriers surtout. Ces classes constituaient un genre de garderie ou de classe maternelle pour aider les mères de ces milieux.

Éditeur : Librairie Prévost, Saint-Jérôme, c. 1910, collection Jean-Pierre Bourbeau

La communauté a acquiescé à la demande du curé et, le 29 octobre 1888, six religieuses débarquent à la gare de Saint-Jérôme, accueillies par l’abbé Pelletier et quelques notables jérômiens. Elles s’installent d’abord dans une maison du centre-ville dont on a aujourd’hui perdu la trace. Le 29 octobre 1889, elles déménagent dans le bâtiment visible sur cette carte postale.

La photographie a probablement été prise par Pierre-Fortunat Pinsonneault de Trois-Rivières qui avait publié, vers 1906, une série de cartes postales sur Saint-Jérôme comportant une photographie identique.

L’édifice était situé dans la côte de la rue Fournier, sur un terrain acheté au coseigneur Globensky par le curé Labelle. L’hospice vivait beaucoup de la charité publique. Les citoyens étaient appelés à contribuer directement, par des dons en biens ou en argent, au financement des activités charitables des religieuses. Des bazars, des représentations théâtrales, des banquets et d’autres activités de financement étaient aussi organisés de temps à autre. La Ville offrait également une certaine contribution financière, mais se faisait aussi tirer l’oreille pour ce faire, comme le rapporte le journal Le Nord.

Carte-postale photo, éd. Inconnu, c. 1905-1910, collection Jean-Pierre Bourbeau

UNE COMMUNAUTÉ BIEN INTÉGRÉE À LA VIE JÉRÔMIENNE

La carte postale ci-haut, à vues multiples, témoigne de l’importance de l’institution dans la vie jérômienne. On aperçoit
l’hospice en haut, à gauche, avec la rue Saint-Georges, le parc Labelle, la gare, la cathédrale et le Collège commercial.
Toute la vie publique du centre-ville s’y trouve résumée.

Les Soeurs Grises étaient bien intégrées à la vie sociale de leur ville adoptive. Ainsi, en mai, pendant le mois de Marie,
elles participaient à la parade annuelle qui circulait dans les rues du centre-ville de Saint-Jérôme. Pour la période des
Fêtes, en décembre, les citoyens pouvaient aller entendre les répétitions de leur chorale d’enfants… pour quelques centins
(ancien nom du sou). Le bazar annuel de l’hospice était aussi une activité annuelle très courue par les Jérômiens.
Autre exemple de cette intégration de la communauté à la vie sociale jérômienne : le 24 septembre 1897, l’hospice est
décoré pour accueillir dignement l’évêque de Montréal, Mgr Bruchési. Il était venu bénir la pose de la pierre angulaire
de la nouvelle église en construction (notre cathédrale). À midi, les religieuses avaient préparé un banquet de cinq services
pour l’évêque et 110 autres convives du clergé, dans une salle joliment décorée. Monseigneur n’a cependant pris
que trois quarts d’heure pour dîner, puis il a visité l’institution avec la Supérieure.

LA CATASTROPHE

Le 24 novembre 1911, un drame met fin à la vie de l’institution. Pendant la messe du matin de l’abbé Caron, une fournaise
explose et embrase le bâtiment. Comme l’a rapporté un journaliste de l’Avenir du Nord, on a au moins « pu sauver
les saintes espèces », des vêtements aussi, mais le bâtiment et son mobilier furent entièrement détruits. On n’a déploré
aucun mort ou blessé parmi les deux cents occupants de l’hospice. Ils se sont temporairement réfugiés chez les Soeurs
de Sainte-Anne et au presbytère et, je suppose aussi, chez certains habitants. Ultérieurement, les religieuses les regrouperont
dans l’ancienne usine Harrower désaffectée.

Au grand dam du Conseil municipal toutefois, qui avait offert de les aider à reconstruire, les Soeurs Grises ne voulurent
plus poursuivre leurs oeuvres à Saint-Jérôme et elles quittèrent la ville. Quant au terrain de la rue Fournier, laissé vacant
par la communauté, il sera vendu aux Soeurs de Sainte-Anne. Elles y érigèrent en 1929 un nouveau pensionnat, libérant
ainsi leur édifice de la rue Virginie (du Palais) pour leur école normale et d’autres activités éducatives. Ce bâtiment nouveau
existe encore, étant devenu une partie du Cégep de Saint-Jérôme.

Cartophilement vôtre !

Jean-Pierre Bourbeau
Administrateur
Histoire et Archives Laurentides

Sources consultées
Les chroniques historiques du chanoine Paul Labelle, dans le journal l’Écho du Nord :
. Incendié en 1911, 2 décembre 1987.
. Le premier hospice, 25 novembre 1987.
Journal Le Nord, p.2, 24 septembre 1897 (banquet pour Mgr Bruchési).
L’Avenir du Nord, p.3, 24 novembre 1911 (incendie).