Joseph Nicéphore Niepce fut le premier, en 1826, à pouvoir imprimer sur un support une véritable image de la réalité observée. C’est cependant un autre Français, Louis Daguerre, que l’on considère être le véritable inventeur de la photographie. Puisque l’Histoire aime bien situer les évènements sur le fil du temps, on situe officiellement l’invention de la photographie par Daguerre le 7 janvier 1839 : le daguerréotype était né ! Daguerre a aussi amélioré le processus photographique en faisant passer le temps d’exposition de la plaque de verre dans le gros appareil du photographe de quelques heures parfois à… quelques dizaines de minutes !!!!

L’autre date importante de l’histoire de la photographie est 1884. L’américain Georges Eastman met au point des surfaces sensibles souples en celluloïd qui viennent rem­placer les encombrantes et fragiles plaques de verre et permettre de stocker plu­sieurs images à l’intérieur du boîtier de l’appareil photographique. La diminution pro­gressive de la taille du boîtier permet d’amener l’appareil avec soi, comme le feront des dizaines de photographes ambulants qui iront de village en village pour immor­taliser les familles et les mœurs de nos campagnes. Le « Kodak » était né. Eastman enregistre le nom Kodak le 4 septembre 1888. Un appareil portatif, utilisable par tous les citoyens, sera fabriqué par la compagnie Eastman Kodak un peu plus tard.

Le début du XXe siècle vit alors naître un engouement certain pour ces appareils photographiques qu’on pouvait amener partout avec soi, nous permettant de conser­ver vivace et plus fidèlement les souvenirs de nos dernières vacances par exemple. Comme je le soulignais précédemment, des photographes ambulants allaient d’un village à l’autre pour « tirer le portrait » des gens qui voulaient bien prendre la pose devant l’objectif pendant de longues minutes. Mais dans nos villes de plus en plus industrialisées et populeuses, les photographes deviennent sédentaires. Les studios de photographie s’y multiplient et chaque famille vient à un moment ou l’autre de son existence confier son image à un photographe qui la mettra en scène dans un studio aux multiples décors et accessoires. L’appareil portatif et familial n’était pas encore à la portée de toutes les bourses. Seules les familles plus riches pouvaient s’en pro­curer et nous laisser des témoignages de leur vie. Le fonds Prévost de la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord en est un bon exemple.

Dans Saint-Jérôme, Jos. Bélanger semble être le premier à y installer un studio de photographie où il immortalise beaucoup de Jérômiens, célèbres et moins célèbres. Il y travaillera jusqu’à 70 ans, même si son premier studio a été détruit par l’incendie de 1911 au centre-ville. Après Jos. Bélanger, Georges Allaire, qui avait la photogra­phie comme passe-temps, quitte son métier de barbier pour établir son studio de photographie sur la rue Saint-Georges. Son fils Gonzague suivra ses traces. Puis les années 1930 et 1940 ont vu éclore plusieurs studios de photographie dans Saint-Jé­rôme. Pour mémoire citons celui d’Eugène Lalonde à la fin des années 1930, ceux de Gérard Vermette et de Marcel Léonard (Autour du monde), ainsi que Photo Re­naissance dans les années 1940. Quelques années plus tard, au début des années 1950, Gérard Lachapelle et Wilfrid Therrien ouvriront le leur.

Celui qui fait l’objet de cette chronique est le photographe Gérard Vermette. Il est né en 1913 et est décédé en 1998 à Saint-Jérôme. Il touchait à plusieurs domaines de la photographie : photographie de studio, photographie de presse pour l’Avenir du Nord et l’édition de cartes postales. C’est évidemment cet aspect de son travail qui nous intéresse davantage. En effet, il semble le seul photographe local à avoir publié un nombre substantiel de cartes postales. Mes recherches aux Archives de la Société d’histoire de la Rivière-du-Nord m’ont permis d’en recenser 33 modèles différents, en noir et blanc surtout dans les années ‘40, mais aussi quelques-uns en couleur dans les années ’50.

Gérard Vermette, photographe

Gérard Lachapelle, Jean Richer, Gonzague Allaire, Wilfrid Therrien, Clément Bélair et Gérard Vermette.

Dans les années ’40, Gérard Vermette était sans travail. Son beau-frère Eu­gène Lalonde avait déjà son propre studio de photographie sur ce qui est aujourd’hui la rue De Martigny Est. Il l’a invité à venir apprendre le métier de photographe. Cela lui a plu et vers la fin des années ’40 il ouvre son studio de photographie au 225 de la rue Castonguay. Comme l’époque le voulait, il s’annonçait comme photographe pour les mariages, les groupes, les ban­quets. Il tenait aussi un studio à cette adresse. Bref, il était là pour immortaliser tous les moments spéciaux et importants de la vie des Jérômiens et leur vendre des films, des cadres, des caméras, des flashs et des lampes-éclairs, des tré­pieds ainsi que des projecteurs. Bien sûr, il développe vos films et vous offre alors un service rapide, selon sa publicité. Si vous aviez voulu plus d’informations, vous auriez pu lui parler au numéro de téléphone : General 8-3769. Gérard Vermette a aussi travaillé pour le journal l’Avenir du Nord de Saint-Jérôme dans les années ’50 et ’60. Ses photos de presse illustraient les articles sur l’actualité qui y étaient publiées. J’ai pu recenser une de ses photographies dans le journal aussi tard qu’en 1967. Malheureusement ses photographies n’étaient pas toujours identifiées à son nom.

Photographe : Gérard Vermette, vers 1948, coll. Jean-Pierre Bourbeau

Photo : Gérard Vermette, vers 1948,   coll. Jean-Pierre Bourbeau

Gérard Vermette, éditeur de cartes postales

Ses cartes postales illustraient les bâtiments publics ou industriels de la ville de Saint-Jérôme. Les écoles, la cathédrale, certaines industries, la gare, l’ancien bureau de poste, l’hôtel de ville, l’hôpital et les hôtels de la fin des années ’40 ont fait l’objet de son édition de carte postale.

On voit ci-dessus la Dominion Rubber, qui était située rue Labelle. Cette usine a constitué un des piliers de la structure industrielle de Saint-Jérôme. Jusqu’à 1 300 ouvriers y ont fabriqué des souliers, des pneus, des bottes ou des souliers plus raffinés. Sur cette photo de la fin des années ’40, il est indiqué Division Footwear. On y fabriquait alors des souliers principalement. Quelques années auparavant, pendant la Seconde Guerre mondiale, on y fabriquait aussi des pièces de char d’assaut ou d’avion.

La plupart des cartes postales de Gérard Vermette sont en noir et blanc. J’ai remarqué qu’on ne voit presque jamais de personnages sur les illus­trations. Les édifices sont cadrés de près, traités plus comme des docu­ments que comme des œuvres artistiques. Parfois, les prises de vue sont singulières, différentes de celles que l’on voit habituellement de ces mêmes édifices. Par exemple, la photo de la cathédrale de Saint-Jérôme. Sur l’ico­nographie habituelle de la cathédrale, la photo est prise à partir du parc, devant l’entrée de la cathédrale. Ici, le photographe s’est placé de côté, sur la rue Parent.

Sur une autre photo, on voit l’hôtel Maurice situé là où se trouve au­jourd’hui le stationnement face à l’hôtel de ville, entre les rues Labelle et Saint-Georges. Sur cette photo, son côté documentaire ressort davantage. On observe que le photographe a pris l’hôtel dans son ensemble, mettant bien en évidence l’escalier de secours. On aperçoit aussi la tourelle avec le nom « Hôtel Victoria » que portait l’hôtel précédemment. Au début du XXe siècle, cet hôtel appartenait à la famille Grignon.

La plupart des cartes postales en noir et blanc de ce photographe sont im­primées sur du papier sensibilisé Kodak, portant à la place du timbre l’indi­cation CK ou Velox. Le papier Velox (vitesse en latin) est spécialement bon pour l’édition des cartes postales photographiques. C’est un papier qui permet la fabrication d’épreuves en quelques secondes et à la lumière artificielle. Plus besoin de chambre noire. Il a été inventé par Léo Hendrick Baekeland, un chimiste américain d’origine belge, et commercialisé en 1891. La société Eastman Kodak lui achète son brevet en 1899, faisant de son support un grand succès commercial.

Cathédrale de Saint-Jérôme
Photo : Gérard Vermette, vers 1949,
coll. Jean-Pierre Bourbeau

Hôtel Maurice
Photo : Gérard Vermette, vers 1949, coll. Jean-Pierre Bourbeau

Dans les années 1950, Gérard Vermette passe à la couleur. Il utilise alors un support « Plasticolor » de la compagnie Carle’s de Montréal. Bien sûr, la couleur est à la mode du jour dans les années 1950, mais le rendu des objets n’est pas aussi précis que ce qu’apporte le noir et blanc sur des sup­ports AZO, CK ou Velox. Ces trois supports et leur illustration constituent l’essentiel de la production nord-américaine des cartes postales photographiques en noir et blanc, entre 1910 et 1950.

Le studio Vermette a produit peu de cartes postales en couleur. Nous en avons trouvé une qui reprenait le thème de l’hôtel Maurice vu plus en avant et montrant davantage la rue Saint-Georges, et une autre qui illustrait le centre-ville de Saint-Jérôme pris du parc De La Durantaye qu’on observe à l’avant-plan (ci-bas). La coloration de la photo se faisait au studio Vermette comme indiqué à l’endos de cette carte postale.

Photo : Gérard Vermette, vers 1951, coll. Jean-Pierre Bourbeau

Gérard Vermette est décédé à Saint-Jérôme le 5 février 1998, à l’âge de 84 ans. Son épouse, Georgette Dubois, est décédée quelques mois plus tard, le 25 décembre de cette même année. La production de cartes postales du Studio Vermette n’en est pas une originale. Mais elle a le mérite d’être la seule qui a un corpus iconographique assez impor­tant et qui est originaire d’un studio de photographie jérômien. Quelques cartes postales ont été produites par d’autres studios jérômiens, mais aucune n’illustre autant le patrimoine bâti officiel des années 1940 que le Studio Vermette. C’est tout à son honneur !

Cartophilement vôtre!

Jean-Pierre Bourbeau

Administrateur

Histoire et Archives Laurentides