Au Centre d’archives d’Histoire et Archives Laurentides, nous avons reçu un lot de cartes postales anciennes, émises entre 1910 et 1950 environ. Notre archiviste m’a demandé d’en faire une première évaluation. Cela m’a fourni l’idée de cette chronique. Lorsqu’on acquiert un lot de cartes postales anciennes, c’est souvent la première question qu’on se pose : qu’est-ce que ça vaut ? Bien sûr, on réfère alors souvent à la valeur monétaire de ces cartes postales. Mais la réponse à la question « qu’est-ce que ça vaut » est beaucoup plus vaste et complexe qu’on le croit, y compris pour sa valeur financière.

1-Éditeur : Neurdein, circa 1910. Marché Bonsecours, Montréal.

Il y a d’abord la valeur personnelle qu’on accorde à ces petites images. Pour les gens qui ne sont pas collectionneurs ou qui n’ont pas d’intérêt pour l’histoire ce ne sont que de vieux bouts de papiers qu’on jette à la poubelle lorsqu’on les reçoit en héritage. Si par ailleurs on aimait beaucoup la personne qui nous a donné ces cartes postales, elles prennent alors plus de valeur. Si à l’endos il y a une correspondance entre cette personne aimée et une autre personne connue, leur valeur monte pour nous. Ces cartes peuvent aussi raconter un bout de l’histoire familiale. Si nous sommes de tempérament nostalgique, alors leur valeur sera plus fonction de leur ancienneté ou de leur pouvoir d’évocation d’un moment ou d’un lieu important de notre vie, peu importe leur date d’émission. Pour certaines personnes, la valeur personnelle de ces cartes sera plus relative à leur esthétisme ou à un thème apprécié (les cartes postales d’artistes, la fête de Noël, les chats, etc.).

Il y a aussi la valeur historique. Plusieurs volumes sur notre « petite histoire » québécoise incluent des cartes postales anciennes. C’est donc dire que les cartes postales qui représentent alors des moments éphémères de cette « petite histoire », des édifices disparus de villes ou villages ou des manières de vivre d’autrefois ont un réel intérêt historique. On peut aussi attribuer une certaine valeur historique aux cartes postales émises par un photographe renommé.

Être collectionneur ou non de cartes postales anciennes influence aussi notre regard sur la valeur d’une carte postale particulière; c’est ce que j’appellerais la valeur de collection. Ainsi, si je collectionne des cartes sur la ville de St-Jérôme, une vue de la  gare que je n’avais pas peut hausser la valeur subjective de cette carte postale que je veux acquérir. Oui, mais la valeur financière…. me direz-vous??? Tout ce qui a été dit précédemment influe sur la valeur monétaire d’une carte postale ancienne, qu’on soit acheteur ou vendeur. Mais il y a aussi d’autres facteurs que nous verrons maintenant qui « objectivent » un peu plus la valeur monétaire des cartes postales. Voyons d’abord des facteurs plus généraux.

Comme pour tout objet qu’on veut vendre la valeur monétaire d’une carte postale, aussi ancienne soit-elle, n’a de valeur que si quelqu’un veut bien l’acheter. La rareté et l’importance du marché dans lequel on se trouve sont aussi des facteurs qui influencent cette valeur. Par exemple, si je vends en France des cartes françaises à des collectionneurs français, il y a de bonnes chances que j’en obtienne un meilleur prix. Il y a très longtemps que les Français collectionnent des cartes postales de leurs villes ou villages… et évidemment, démographie obligeant, ils sont beaucoup plus nombreux que nous à s’intéresser à leur histoire, augmentant ainsi la demande. Au Québec, la mise sur pied en 1991 du Club des cartophiles québécois a sans doute favorisé la structuration du marché québécois de la carte postale ancienne et en a stimulé l’intérêt et la collection dans la population.

La valeur monétaire de nos cartes postales a ainsi beaucoup augmenté en comparaison des vingt années qui ont précédé. Mais il y a aussi parmi les collectionneurs un facteur de « mode » qui a fait varier la valeur des cartes postales. Les cartes postales canadiennes de l’éditeur français Neurdein avaient ainsi une place de choix dans l’estime de plusieurs collectionneurs du Québec durant les années 1990 (Exemple 1).

Un dernier facteur général, selon moi, qui a fait augmenter la valeur des cartes postales c’est l’arrivée dans nos vies de sites Internet d’enchères en ligne. Cette information disponible à tous nous a rendus moins naïfs, croit-on, sur la valeur de vente ou d’achat d’une carte postale ancienne. Et la valeur de certains types de cartes s’est accrue considérablement. Les cartes postales représentant des gares en sont un bon exemple : les Américains qui s’intéressent aux gares et aux ponts couverts de partout en Amérique du Nord ont maintenant accès aux gares et aux ponts du Québec et leur prix d’achat n’a cessé de monter!

Pour ne pas vous laisser trop sur votre soif de savoir, je vous parlerai maintenant de facteurs plus spécifiques qui ont généralement permis de fixer une certaine valeur monétaire aux cartes postales anciennes du Québec parmi les collectionneurs de notre province. D’abord l’état de la carte. Déchirée, salie, découpée ou marquée, malgré sa rareté cette carte perd beaucoup de sa valeur. Puis la rareté. Les cartes postales imprimées ont moins de valeur que les cartes postales photographiques puisqu’elles ont été publiées en plus grand nombre que ces dernières.

2- Photographe : inconnu, circa 1930. Le R-100 amarré à l’aéroport de Saint-Hubert

Le thème peut aussi influencer la valeur de la carte postale. Ainsi, les thèmes gares, banques, bureaux de poste, commerces identifiés, ont une bonne valeur marchande. Autre exemple de thème, les cartes postales commémorant la venue du dirigeable R-100 au Québec en 1930 sont aussi très recherchées (Exemple 2).  L’animation sur la carte postale est aussi un facteur qui en influence le prix demandé. La présence de personnes sur une carte postale en augmente la valeur, et encore plus si ces personnages sont en action ou sont des personnages connus. Enfin, la date d’émission de la carte postale joue aussi un peu sur son prix demandé. Les cartes postales de l’âge d’or de la carte postale (l903-1918) ont généralement un prix de base un peu plus élevé que d’autres.

3-Photographe : inconnu, circa 1914.
Exemple de carte postale recherchée
Arrivée de voyageurs attendus par une foule, à la gare de Sainte-Agathe-des-Monts.

Pour résumer ce qui a été écrit précédemment, dans un lot de cartes postales reçues, la carte postale photographique d’une gare éditée entre 1910 et 1920 et sur laquelle on voit une foule qui accueille un personnage historique à l’occasion d’un évènement particulier est sans doute l’exemple d’une carte postale dont le prix serait très élevé, compte tenu aussi de son état et de l’intérêt des collectionneurs pour cette gare en particulier (exemple 3).

J’ajouterai quelques éléments à ce qui a été dit ci-haut. Tout d’abord le fait que jamais encore une carte postale ancienne n’a atteint le prix payé par des collectionneurs pour des cartes sportives, du moins à ma connaissance. Puis, les cartes postales émises en grand nombre depuis les années 1960 suscitent actuellement peu l’intérêt des collectionneurs québécois. Enfin, vos belles cartes postales françaises, anglaises ou japonaises du début du XXe siècle ont peu de valeur monétaire au Québec. Bon, prenez votre courage et essayez de les vendre par Internet! On ne sait jamais… Mais souvenez-vous que les cartes qui ont le plus de valeur sont d’abord celles qui suscitent en vous émotion et passion!

Cartophilement vôtre!

Jean-Pierre Bourbeau, Histoire et Archives Laurentides