Le loisir, comme mot et concept, nous renvoie à ces activités qu’on accomplit à l’intérieur du temps libre dont on dispose. Ce temps libre s’oppose au temps prescrit, c’est-à-dire celui qui nous contraint par des occupations habituelles ou de travail. C’est au XVIIIe siècle que le mot loisir a pris le sens de divertissement que nous lui attribuons encore (1). L’objet de ce texte concerne donc les loisirs reliés au tourisme et aux sports, qui sont les activités de divertissement les plus souvent illustrées par les cartes postales anciennes ou plus récentes. La lecture, les jeux de table, les jeux d’adresse, les loisirs d’intérieur, sont des loisirs peu représentés par les cartes postales, le cinéma étant l’exception.

Pour les Laurentides, on peut dire sans trop se tromper que les loisirs extérieurs et les sports sont les loisirs qui apparaissent le plus comme sujet sur les cartes postales, le développement de la carte postale se faisant en parallèle à celui du tourisme. Et le développement du tourisme suit celui du train ou d’autres moyens de transport qui peuvent nous amener « loin » de nos contraintes quotidiennes pour profiter de nos temps libres qui s’accroissent, selon l’époque ou les moyens financiers dont nous disposons. Paradoxalement, le train nous amène « près » de nos marchés si on est marchand de bois, agriculteur ou commerçant. Alors, selon qu’on est dans du temps libre ou du temps prescrit, l’utilisation d’un moyen de transport se fera en fonction des loisirs ou du travail, et en fonction de la rapidité nécessaire pour vivre l’un ou l’autre. Il en est ainsi du train, de l’auto, du bateau et de l’avion dans l’illustration de la carte postale : elle nous fera voir ce qui est accessible par ces moyens de transport ou parfois ce moyen de transport lui-même et ce qui l’entoure. La carte postale sera plutôt centrée sur le temps libre.

Les Laurentides n’ayant pas de voies navigables et ne nécessitant pas l’avion pour amener les voyageurs vers ses lieux de villégiature, ce sera plutôt tout ce que le train d’abord puis l’auto nous donneront à voir, qui sera l’objet de l’iconographie des cartes postales. L’utilisation de l’hydravion nous apportera certes des images de « camps », de campings, des scènes de chasse et de pêche, des vues en hauteur de la forêt et des lacs, mais ce sera peu fréquent en comparaison des vues de bâtiments commerciaux, institutionnels ou autres pour les Basses-Laurentides, ou de sports pour les Laurentides médianes et plus nordiques. Les images de gares sont aussi bien prisées des voyageurs jusqu’en 1940 alors que les vues de routes en été et en hiver deviennent plus fréquentes après cette date.

1. Gare de Ste-Scholastique, éd. Illustrated Post Card, Montréal, c. 1910

Le train nous amène plus loin et plus rapidement vers les lacs des Laurentides que la voiture à cheval, et l’auto plus profondément, plus librement et plus rapidement que le train là où on veut vivre notre temps de loisir.

2. Novelty Manufacturing and Art printing co., c.1912.

Les bâtiments industriels ou gouvernementaux ainsi que les commerces sont des sujets qui illustreront la carte postale des Laurentides tout au long de son histoire. De ses débuts en 1903 jusqu’aux années 1940 il faut aussi ajouter à cette iconographie les résidences secondaires bourgeoises ainsi que les pensions et les nombreux hôtels des Laurentides, sans oublier les gares. Outre les bâtiments, les scènes reliées à la pratique du ski seront les plus nombreuses dans cette période. À partir des années 1940, l’entretien des routes est pris en charge par le gouvernement et elles deviennent praticables à l’année longue. On voit plus fréquemment apparaître des cartes postales illustrant les routes ainsi que les petits commerces qui bordent ces routes. En plus des gros hôtels qui ont fait la renommée des Laurentides, les petits hôtels et les motels illustrent aussi les cartes postales de cette époque; les pensions ont disparu car l’auto permet maintenant les randonnées du dimanche ou les courts voyages.

3.Editeur : inconnu, c. 1950
N.B. Sortie en famille à la pisciculture de St-Faustin, qui avait alors ajouté quelques animaux pour attirer les visiteurs.

Ce sont surtout les chalets qui poussent partout autour des nombreux lacs des Laurentides et que les autos rendent accessibles qui ont tué les innombrables pensions des années précédentes. Les chalets étant privés ils sont rarement les sujets de cartes postales. Outre les bâtiments disponibles, la carte postale des années 1930 à 1970 dans les Laurentides nous présente régulièrement des scènes estivales reliées au nautisme et à l’équitation, activités sportives pratiquées par les vacanciers ou les touristes de fin de semaine que la route 11 déverse en grand nombre autour des lacs des Basses-Laurentides ou jusqu’à Mont-Tremblant.

4. Éditeur : inconnu, c. années 1950. Les célèbres régates du Lac des Sables, à Ste-Agathe des Monts.

À tous ces loisirs organisés, surtout pour les adultes, il faut ajouter pour les enfants les loisirs d’été mis sur pied dans les petites villes par l’Oeuvre des terrains de jeux, ainsi que les nombreux camps ou bases de plein air tels ceux du lac Maskinongé à St-Jovite ou du Lac Quenouille (l’auberge du Petit Bonheur) près de Ste-Agathe. Chose certaine, été comme hiver, grands ou petits, chacun pouvait trouver un sport ou une activité de loisir pour remplir agréablement ce temps de loisir qui n’a cessé d’augmenter pour toutes les couches de la population depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Cartophilement vôtre!

Jean-Pierre Bourbeau, Histoire et Archives Laurentides